Communiqué de la CGT: Un drame qui n’aurait jamais dû se produire !

D’après des sources non-officielles, voici quelques précisions sur les circonstances du drame humain survenu hier en début de matinée sur la ligne Paris-Strasbourg entre les gares de Nançois et Lérouville.
Tout d’abord, il faut rappeler que les salariés victimes étaient chargés d’opérations de maintenance sur une voie en tiroir dédiée à des essais de nouveaux matériels ferroviaires fabriqués par la société ALSTOM.
La voie concédée, ancienne voie 1bis dénommée voie des déportés, a été clôturée récemment par un grillage qui n’offre pas de possibilité de dégagement côté voie 1. Seul échappatoire possible, côté talus !
Dans l’équipe composée d’une douzaine de personnes au total, huit se trouvaient hier matin sur le chantier, deux chefs d’équipe salariés d’ALSTOM et 6 intérimaires recrutés dans le secteur pour une mission qui s’achevait aujourd’hui.
La phase des travaux arrivant à sa fin, les essais de vitesse ont commencé depuis une semaine environ. Hier vers 8 heures, l’équipe basée à quelques kilomètres du lieu du drame a reçu l’ordre d’intervenir sur une partie de voie instable en sortie d’une courbe.
Arrivé sur site, le chef d’équipe a reçu un avis téléphonique d’autorisation d’engager les travaux de bourrage manuel du ballast laissant penser à l’absence de circulation.
Au cours des interventions, aucune disposition complémentaire n’est mise en place pour garantir la sécurité du chantier, n’offrant ainsi aucune boucle de rattrapage. Les chantiers ne font l’objet d’aucune matérialisation.
Seul un document interne sert de moyen d’information. Sur le document remis au chef de l’équipe de maintenance, aucun essai ne devait être réalisé pendant la durée du chantier.
Par contre, l’équipe de techniciens et d’ingénieurs ainsi que le conducteur du train d’essai n’a reçu aucun signalement de la présence d’une équipe dans la zone. Il semblerait qu’un autre document remis au conducteur avant le départ l’autorise à circuler dans des conditions normales et sans présence d’un chantier de maintenance sur la totalité du parcours emprunté.
La circulation du jour, inaugurale, en cause dans l’accident, devait matérialiser la mise à disposition officielle de la voie aux essais.
Le train d’essai est arrivé dans la courbe à une vitesse voisine de 110 km/h ce qui n’a pas permis d’arrêter le train avant la zone de travaux. Le conducteur a cependant eu le réflexe d’actionner le sifflet ce qui a sans doute permis de sauver la vie à plusieurs salariés.
Les deux chefs d’équipe ont été percutés par la rame d’essai, la troisième victime pourrait avoir été tuée par la projection de matériel lors de l’impact. L’enquête aura à préciser les conditions du décès de cette troisième victime.
Le grillage se trouve implanté dans la zone dangereuse entre la voie 1bis, voie concédée, et la voie 1 empruntée par des circulations ferroviaires entre les gares de NANCOIS TRONVILLE et LEROUVILLE.
S’il existe aussi un grillage côté talus, celui-ci permet un dégagement de la zone dangereuse. Les autres salariés survivants ont, quant à eux, eu le réflexe et le temps de se dégager du côté opposé au nouveau grillage en se jetant sur le talus.
Il faut savoir que depuis début juillet 2011, la SNCF a « remis les clés » à Réseau Ferré de France pour réserver la voie 1bis exclusivement aux essais. Aucune autre circulation ferroviaire n’emprunte donc ce tronçon de voie d’une longueur totale d’environ 13 kilomètres.
Le tronçon de voie a fait l’objet dès le début de l’été d’importants travaux de remise aux normes pour permettre des essais à vitesse élevée. L’ensemble du dispositif est piloté par la société ALSTOM sans intervention de cheminots SNCF.
En somme, depuis cette date, la SNCF, entreprise publique gestionnaire de l’infrastructure, considère la voie 1bis comme une voie privée !!!
L’implantation d’un grillage d’une hauteur de 2,50 mètres dans l’entrevoie côté voies principales, sans tenir compte des normes en vigueur jusque là et surtout, de la protection et de la sécurité des salariés et des circulations, relève sans aucun doute d’une volonté affichée de dissocier la ligne du reste du réseau.
Après le drame mortel d’hier, on voit bien l’inconsistance d’un tel « saucissonnage » des installations ferroviaires et l’incidence directe sur le niveau de sécurité du système ferroviaire français, historiquement construit et amélioré dans une cohérence d’ensemble au sein d’une même entreprise et avec des cheminots au statut identique qui permet de responsabiliser l’ensemble des acteurs.
Le statut unique des personnels permet aussi d’appliquer partout les mêmes procédures et d’éviter les incompréhensions facteurs de risques.
En effet, avec la modernisation des installations et les nouvelles technologies, on a trop tendance à oublier que la sécurité repose toujours pour l’essentiel sur l’intervention humaine.
Pourquoi rappeler cela au lendemain de cette catastrophe, non pas pour instrumentaliser un drame ou trouver des coupables mais parce que les responsables ne sont pas du côté des salariés qui ont payé malheureusement de leurs vies.
Pour la CGT, l’éclatement du système ferroviaire conduit à des manquements pour la sécurité des personnes sur le Réseau ferré français. En effet, nous avons du mal à croire que l’entreprise ALSTOM a installé un grillage représentant un obstacle infranchissable ou commencé ses essais dans la Meuse sans avoir au préalable obtenu tous les agréments des autorités chargées aujourd’hui de la surveillance et de la sécurité ferroviaire.
Nous vous joignons également le courrier du 3 novembre 2011 de notre Secrétaire Général interpellant Monsieur le Ministre MARIANI sur des manquements à la sécurité déjà recensés par la CGT.

Nancy, le 2 décembre 2011.