Allemagne : mensonges et instrumentalisation





Allemagne : mensonges et instrumentalisation

Dimanche a vu la réélection d'Angela Merkel. Même si le « triomphe » reste modeste, notamment au vu des abstentions, les Allemands ont reconduit une chancelière qui ne comprend pas grand-chose à la construction de l'Union Européenne, à ses difficultés et à ses mécanismes.
Et si l'Allemagne a acquis un leadership tant sur le plan économique que politique, ses leaders et en particulier sa chancelière, ne sont pas en capacité de l'assumer et n'ont aucun projet européen. A part dire « non », il n'ont rien à proposer et Merkel continue à isoler le pays et à remettre à l'ordre du jour une hostilité de l'Europe vis à vis de l'Allemagne.
Inféodée au capital financier et à ses marchés, Merkel est une gestionnaire d'intérêts qui la dépassent. D'ailleurs, beaucoup d'Allemands commencent à mesurer l'ampleur des dégâts occasionnés par sa politique. Elle nourrit également le populisme avec la création d'un parti anti-euro d'extrême droite qui pense que l'Allemagne n'a pas à payer pour le reste de l'Europe. Un pur mensonge car l'aide aux pays en difficultés n'a rien de philanthropique puisqu'elle rapporte de l'argent à l'Allemagne grâce à des prêts à 4%.
                                     
Mais qu'en est-il de ce fameux modèle tant vanté par capital et libéraux ?
Il faut déjà savoir qu'avec son économie tournée vers l'exportation, l'Allemagne a payé cher le krach financier de 2008. Elle a connu en 2009 une forte récession avant de rebondir en 2010 et 2011. Ce qui a permis aux « élites libérales » d'infester l'Europe avec leur propagande.
Mais en regardant de près, on peut observer qu'en dix ans, la croissance allemande et française sont quasiment au même niveau : 14,3 % pour l'Allemagne et 14,1% pour la France. Pas de quoi fanfaronner ! D'autant plus que l'Allemagne est rattrapée par la crise qu'elle a induite en pesant pour les politiques d'austérité. Très dépendante de ses exportations, elle a quasiment étranglé son principal client, les pays de la zone euro, et connaît de grandes difficultés pour relancer son marché intérieur sur lequel les réformes antisociales de Schröder, poursuivies par Merkel, pèsent très lourd.
A noter que le PIB allemand a progressé deux fois moins que celui des Etats Unis qui ont pourtantconnu les plus graves déséquilibres.                                     
De par les réformes Schröder et les lois Hartz sur le marché du travail, les inégalités s'accentuent et la pauvreté augmente. La pression sur les dépenses publiques fait que l'usure des bâtiments et des infrastructure commence à se voir à cause du manque d'investissements. Sur le plan social, la réforme des retraites qui paupérise les seniors, les mini-job à moins de 450 euros par mois et les quelque 8 millions de pauvres mettent à mal le cliché sur la prospérité allemande et constituent de véritables bombes à retardement. Ce qui fait que les Allemands s'inquiètent pour leur avenir et épargnent d'avantage. De fait, ils consomment moins, ce qui ne relancera pas le marché intérieur et la croissance.

Mais alors, pourquoi est-ce moins pire qu'ailleurs ?
Avant la crise, l'Allemagne a bénéficié de trois éléments favorables :

– Paradoxalement, une baisse de la démographie qui lui a permis de diminuer les dépenses publiques (par exemple l'éducation) et privées. Cette situation a conduit également à ce qu'il n'y ait pas de bulle immobilière car il y avait moins de demande. En 15 ans, les prix de l'immobilier ont stagné alors qu'ils étaient multipliés par 2,5 en France;

– La réunification et la chute du Mur de Berlin ont permis à l'industrie allemande d'intégrer dans son
tissu productif ceux des pays de l'Est. De plus les Allemands n'ont pas délocalisé et ont gardé une solide base productive chez eux;

– La demande des pays émergents qui achètent des machines allemandes.Autres éléments favorables après la crise :

– Contrairement au modèle anglo-saxon, les Allemands n'ont pas été flexibles du tout, ils n'ont joué que sur le chômage partiel et les accords d'entreprises, ce qui fait qu'ils n'ont perdu aucun emploi.

– Le pays a bénéficié d'un taux d'intérêt très bas ; ce qui fait qu'il a économisé 98 milliardsd'euros de charges d'intérêts ;

– Et enfin, l'Allemagne a été la grande bénéficiaire de la baisse de 15% de l'euro par rapport au dollar. Ce qui a permis à l'industrie de compenser les pertes d'exportations enregistrées dans la zone euro depuis 2009.

Et si le principal atout de l'Allemagne reste le maintien du tissu industriel, ce n'est pas grâce au modèle Schröder-Merkel, mais à l'héritage allemand tel qu'on l'a connu lors des trente glorieuses, qui faisait que l'industrie se finançait non pas avec la Bourse et les marchés financiers, mais par le crédit bancaire. Un financement sur le long terme, notamment en utilisant les banques publiques, ce qui a permis un développement beaucoup plus harmonieux qu'en France.

Et voici la bombe à retardement suivante
Le fonctionnement de ce système qui permettait aux entreprises de se mettre à l'abri jusqu'aux années 2000-2001 d'OPA intempestives, est remis en cause. En 2001, la suppression de cette disposition par une réforme fiscale menée par Schröder a entraîné le capitalisme allemand dans « une anglo-saxonisation » très rapide. Les banques allemandes ont été plus touchées par la crise de 2007-2008 que les banques françaises, la Deutsche Bank regorge de titres pourris pour un montant de 450 milliards d'euros et les banques publiques régionales sont exsangues.
Le système sur lequel repose encore le tissu industriel allemand est donc aujourd'hui extrêmement fragilisé et si des Allemands croient encore que la crise, c'est chez les autres, hé bien ils vont avoir de très mauvaises surprises.

Heureusement, il existe en Allemagne des forces qui avancent des solutions pour sortir de ce dilemme.
Die Linke, mais aussi le syndicalisme allemand (DGB) qui va à l'encontre de la politique restrictive de Merkel et propose, afin de court-circuiter les marchés, la création d'une banque publique européenne qui se financerait auprès de la BCE et prêterait aux Etats à des taux réduits. Parce que ce qui pose problème, c'est l'hégémonie économique et politique allemande et la suprématie des marchés financiers sur l'UE.
Il existe donc en Allemagne des forces pour s'y opposer et penser qu'il faut des réformes radicales pour éviter l'éclatement de la zone et la montée de l'extrême droite qui veut mettre à bas tout l'ouvrage européen. Des forces qui exigent de revoir la logique de la construction européenne. C'est une bonne nouvelle !

Daniel

Section de Nancy

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