Intervention d'Annie Levi-Cyferman à la CUGN

Sur la délibération qui nous est proposée, le 15 avril 2011, le Conseil de communauté du Grand Nancy a voté une délibération autorisant son président à signer un nouveau contrat de concession de distribution de l’énergie électrique avec ERDF et G.D.F.

Cette décision en apparence purement technique a suscité de nombreux remous parmi les élus d’autres collectivités. En effet, le nouveau contrat dont l’enjeu dépassait largement le cadre de notre agglomération constitue une régression en termes de maîtrise par la collectivité du service public de distribution et de fourniture d’électricité. Pour rappel très brièvement, à Nancy, on avait un contrat de concession de service public qui liait la C.U.G.N. à E.D.F. pour la période 1994/2014. A la suite de la séparation des activités d’E.D.F., la partie distribution a été automatiquement transférée à sa filiale ERDF.

Or, en avril 2011, d’un commun accord, la C.U.G.N., E.D.F. et ERDF ont mis fin de façon anticipée à ce contrat pour en signer un nouveau de 30 ans qui faisait justement l’objet de cette délibération d’avril.

Les raisons invoquées pour cette résiliation anticipée n’étaient absolument pas convaincantes ou crédibles, je ne vais pas y revenir, mais juste dire que, par exemple, on avait cité que c'était pour permettre l’installation de bornes de recharge pour voiture électrique et la mise en place de compteurs intelligents dits Linky comme vous l’avez rappelé. Un seul avenant aurait suffit. Toujours est-il que l’on a résilié de façon anticipée ce contrat et on en a proposé un autre.
Les vraies raisons de ce contrat, qui a été proposé, en avril qui crée un précédent dont E.D.F. et ERDF pouvaient se prévaloir auprès d'autres collectivités c'était de conclure un contrat conforme aux intérêts d’une entreprise vouée à la privatisation.

Ainsi plusieurs clauses, vous l’avez rappelé, étaient très avantageuses à ERDF et E.D.F. et beaucoup moins aux collectivités et usagers. Contrairement aux dispositions du Code de l’énergie, le contrat stipulait que les nouveaux compteurs intelligents ne seraient plus propriété de la C.U.G.N. mais d’ERDF et devaient être rachetés en fin de contrat. C’était le premier point conflictuel.

Deuxièmement, en cas de résiliation anticipée par la C.U.G.N., celle-ci devait verser à ERDF une indemnité dont le mode de calcul avait pour conséquence de rémunérer des actifs déjà payés par les usagers. C'était une indemnité qui était dissuasive et qui renforçait le monopole d’ERDF. C'est pourquoi six habitants du Grand Nancy ont formé un recours contre cette délibération, vous l’avez rappelé.

Après trois années de procédure, la Cour Administrative d’Appel de Nancy leur a donné raison et déclaré illégales les deux clauses que je viens de citer et a annulé la délibération obligeant la C.U.G.N. aujourd'hui à revoir sa copie. Je vais vous dire pourquoi on n’est pas d’accord avec cette nouvelle copie et pourquoi nous voterons contre.

En premier lieu, la Cour Administrative d'Appel de Nancy a rappelé que, selon la loi, tous les compteurs doivent rester propriété de la collectivité, donc faire partie de la concession et être considérés comme des biens de retour. L'avenant que vous nous soumettez aujourd'hui réintègre donc dans la concession les compteurs Linky, souvent désignés sous le terme de « compteurs intelligents », que le contrat avait exclu illégalement.

Cependant, il maintient la clause qui laisse à ERDF la propriété de tous les « autres dispositifs de suivi intelligent, de contrôle, de coordination et de stockage des flux électriques, d'injection comme de soutirage qui viendraient à être installés par le concessionnaire sur le réseau concédé ». En faisant cela, vous vous conformez en apparence aux injonctions de la Cour administrative mais vous la videz de son contenu en les rendant inopérants. En effet, un compteur sans les différents logiciels de gestion n'a pas de sens et ne peut pas être « intelligent » ; cela revient à posséder un ordinateur sans détenir le système d'exploitation qui permet de l'utiliser. Par conséquent, tous les autres dispositifs dont il est question au quatrième alinéa de l'article 2 du cahier des charges doivent être, comme le compteur lui-même, partie prenante de la concession et considérés comme des biens de retour. Ce quatrième alinéa devra être supprimé, faute de quoi il pourrait être annulé par la Cour administrative. La Cour avait aussi jugé illégal l'article 31 du cahier des charges qui détermine le mode de calcul de l'indemnité de fin de contrat. Je ne vais pas y revenir, cela avait été considéré comme illégal parce que notamment cela augmentait chaque année de 7,25 %.

L'avenant que vous soumettez aujourd'hui au vote de notre assemblée prend désormais comme référence pour la réévaluation des biens non amortis le taux de rendement des obligations de l'Etat. Sans doute, dans la conjoncture actuelle, c'est une économie bien que c'est à voir.

Cependant, la Cour d'appel n'a pas seulement jugé illégal le taux de référence retenu dans le cahier des charges, mais aussi le mode de calcul de l'indemnité en référence avec un indice « sans lien avec le préjudice éventuellement supporté par ERDF », Elle a déclaré que ce mode de calcul doit être motivé et fondé sur la réalité des comptes de la concession. Or, le nouveau taux de référence retenu dans l'avenant n'est pas davantage fondé sur la réalité des comptes de la concession ni « en lien avec le préjudice éventuellement supporté par ERDF ».

Il apparaît donc que les modifications introduites par l'avenant ne répondent pas aux injonctions de la Cour et que le contrat ainsi modifié restera illégal. Cet avenant ne purge pas le contrat de tous les vices de légalité. Faudra-t-il un nouveau recours pour faire appliquer réellement l’arrêt de la Cour d’appel et obtenir un contrat plus conforme aux intérêts de la collectivité et de ses contribuables et non à ceux d'une entreprise qui, faut-il le rappeler, est une filiale à 100 % d'EDF, laquelle est désormais une société anonyme cotée en bourse et appartenant au CAC 40 ? Si l'Etat est encore aujourd'hui majoritaire dans son capital à 85 %, il peut à tout moment vendre ses actions, comme ce fut le cas pour GDF livré au groupe Suez. Et si le projet de rapprochement entre EDF et VEOLIA est abandonné pour l'instant, il peut renaître sous une autre forme ou avec une autre multinationale.

Pour toutes ces raisons, l’avenant que vous nous proposez ne fait que reprendre de façon détournée le premier contrat et ne le modifie pas fondamentalement, nous voterons contre votre demande de délibération.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Vas-y Annie!!!